I. L'introduction à la ciné-corpoétique
- Kelly O
- Dec 17, 2021
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L'étoile de mer, Man Ray, 1928. Scénario d’après « La place de l'étoile », un poème de Robert Desnos.
Bienvenue à cette anthologie de poésie qui explore la ciné-poétique du corps, après l’article par Christophe Wall-Romana « Mallarmé's Cinepoetics: The Poem Uncoiled by the Cinématographe, 1893-98 » (2005). Pour structurer l’anthologie, je commence et fini avec un poème solitaire. Ces deux poèmes isolés marquent la trajectoire féministe de l’anthologie. Au centre j’inclus deux séries poèmes contrastants, pour montrer les similarités entres ces binaires de corporel et d’incorporel ainsi que les différences. L’ordre suivit des recherches que j’avais fait ; mes questions et préjugements ; les surpris ; et mes conclusions. Les poèmes développent assez chronologiquement, pas littéralement mais dans le sens du mouvement féministe historique. Je commence avec les vues des poètes masculins sur le corps féminin, et finirent avec les vues des femmes sur le corps masculin. L’anthologie conclut avec une analyse de comment un poète féminin voit son propre corps.
J’ai commencé cette anthologie poétique avec le désir d’explorer mes émotions complexes par rapport à la représentation du corps de la Petite Jehanne de France écrit par Blaise Cendrars. Cet extrait de La prose du transsibérien et la petite Jehanne de France m’a beaucoup touché la nuit que je l’ai lu. Je n’étais pas encore sensible de l’histoire tragique de Cendrars et son amie réelle, qui a été brûlée vive dans un accident. Mais cette nuit j’ai eu l’impression fort que la Petite Jehanne était un fantôme qui accompagnait le poète pendant sa journée de mémoire et d’imagination, peut-être à cause de la ligne, « elle est toute nue, n’a pas de corps – elle est trop pauvre » (16). Ce manque de corporalité dans un portrait poétique d’une personne m’a intrigué et m’a poussé de chercher des autres poèmes similaires.
Quand j’ai pensé à cet extrait de La prose du transsibérien dans la journée avec une mentalité plus critique, j’ai questionné l’image nostalgique d’une femme enfantine « douce et muette, sans aucun reproche » (9). Cendrars contraste sa faiblesse froide et fanée (19) avec le pouvoir flammante des grandes femmes (14). Je me suis demandé si c’était une perspective commune des poètes masculins, de valoriser les corps de femmes faibles, fanées, ou irréelles. C’est toujours plus simple d’aimer ou même idolâtrer quelqu’un qui n’existe plus dans l’imperfection de la corporalité, ou quelqu’un qui ne tient pas une perspective forte de « l’autre ». Cette critique féministe a guidé mes lecteurs dans le Yale Anthology of Twentieth Century Poetry, une anthologie par Mary Ann Caws qui inclut plus des écrivains féminins que jamais, mais aussi des poètes masculins célèbres. J’ai voulu comparer comment ces deux sexes traditionnels traitaient les corps réels et les corps imaginés, rappelés, ou fantomatiques.
Alors la première partie de cette anthologie montre les exemples qui appuient mon hypothèse, comme « J’ai tant rêvé de toi » par Robert Desnos et « Black-Label » par Léon Gontran-Damas. Mais leurs représentations des femmes rêvées sont aussi plus complexes que j’avais pensé, surtout la relation de Damas avec le corps féminin dans un contexte du racisme, de l’esclavage, et du colonialisme. Dans ces deux poèmes, comme dans La prose du transsibérien, la nostalgie de la perte et la mort hante les orateurs des poèmes. C’est difficile de critiquer quelqu’un qui a perdu un amant, et je ne veux pas être insensible à leur chagrin, même s’il idéalise les souvenirs peut-être plus qu’apprécie les réalités des femmes. Donc, j’aimerais voir la question plus générale – comment est-ce que notre société moderne préfère ces images idéalisées, qu’est-ce que cette préférence fait dans nos vies ?
Mes recherches, guidé par Laure Katsaros à Amherst College, se sont élargies pour inclure les représentations du corps comme des idoles religieuses, et l’iconoclasme de cette adoration par les poètes comme Claude Cahun. L’aspect fantomatique de ces poèmes lève la question religieuse d’immortalité de l’esprit. Dès le début du cinéma avec l’invention du cinématographe, les poètes ont vu le cinéma comme une méthode d’immortaliser les mouvements du corps (Wall-Romana). Les cinéastes de nos jours partagent souvent la même idée. Katel Quillévéré, réalisatrice française, a dit récemment, "Cinema gave me a healthy distance from religion. Cinema is religion's best rival in that it also negates death and is, by definition, a liberation process” (France's female new wave | World cinema | The Guardian). Je sens et parfois adore la puissance immortelle des représentations, comme la vision de Jehanne ou même des vidéos de mes proches. Mais j’interroge mon propre désir pour les fantômes et les fantaisies. Privilège-je les fantasmes parfaits sur les personnes vivantes qui ont les corps et idées différents et impassables ?
Après les discussions de corporalité et d’incorporalité vue par les hommes et les femmes, je fini avec un poème par Anne Hébert qui incorpore les deux idées dans son autoportrait poétique. « Je suis la terre et l’eau » par Hébert m’a frappé avec son insistance sur l’impassibilité de son corps par l’amant, et aussi son unification des deux états (la solidité et la fluidité ou l’atmosphérique) dans le même corps. Dans les poèmes par Robert Desnos, Léon Gontran-Damas, Blaise Cendrars, et Ghérasim Luca, le corps de la femme semble beaucoup plus perméable et plus souvent fragile. Ils partagent un sens que le corps doit être physique ou spirituel, mais pas les deux au même temps comme pour Hébert. Même dans « La sadique Judith » par Claude Cahun, le corps d’Holopherne semble complètement solide et physique. Donc j’apprécie l’intégration de cette dualité dans la conception de soi d’Hébert. Nous avons parlé en classe des fausses dualités du corps et d’esprit popularisé par René Descartes. Je me demande si le cinéma poétique renforce cette fausse binaire ou la déstabilise. J’imagine qu’il la déstabilise, car en voyant une image statique c’est plus facile d’oublier l’esprit qui fait les mouvements du corps. Dans une image mobile on a l’impression de voir les deux aspects naturellement entrelacés.
Cette intégration des deux aspects d’une personne créé l’illusion d’immortalité presque, ou au moins plus, complète. Dans l’âge moderne de Covid, on voit plus clairement que jamais notre besoin de la présence et les dons et limitations des images mobiles comme Zoom. Le sentiment de perte nous hante après les morts de presque quatre millions personnes par le virus. Pendant le confinement, on a vu aussi l’explosion du marché pour les arts NFT. Les artistes comme Hackatao veut comparer le mouvement aux avant-gardes dans les années vingt : « One phrase I used to repeat as a mantra to those who were entering this world was: “It feels like Zurich or Paris in the early 1900s. In fact, there are affinities with the Dada movement and the avant-garde movements of the time” » (The most famous Italian Crypto NFT Artists: Hackatao by Andrea Concas - Art Rights Magazine). Ces affinités incluent la prolifération d’une représentation (à mon avis sexiste) de femmes nues, même par Hackatao, un duo d’un homme et d’une femme.
Peut-être le NFT de Marina Abramović où elle apparaît vêtue exclut, ou du moins anticipe, que la blockchain profitera des images de son corps nues dans les performances des années 70. Ce qui est clair, c’est qu’elle essaie d’utiliser cette nouvelle technologie de réalité augmentée pour explorer la relation entre la représentation artistique du corps et l’immortalité. Dans le vidéo, elle semble déterminée à créer l’illusion qu’elle est vraiment devant le voyeur, même après sa mort. La pièce illumine peut-être ses autres performances « The artist is present » (2010) et « Role exchange » (1975) qui pour moi explore la façon dont l’intimité du corps et d’affectivité peut être fabriqué pour vendre, surtout pour les femmes. Qu’est-ce que les représentations futuristes promettent à une femme moderne ? Ironiquement, dans cette vidéo publicitaire pour Christie’s, le regard masculin futuriste continue de la hante.

Cette anthologie promesse une exploration des représentations du corps poétiques, un sujet aussi dynamique et lourd que le corps lui-même. Je vais essayer de trouver dans le passé la complexité de ces représentations – des fantômes et des corps vivantes. Merci pour les explorer avec moi.
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